Mort de Jacovitti,
dessinateur saucissonneur

Le 13 décembre 1997

 

Gros yeux ronds, tête ronde, bedaine et lunettes rondes, le physique rebondi allait bien à ce dessinateur italien, mort le 3 décembre à Rome. Au départ Benito, Jacovitti, qui avait gommé ce prénom mussolinien, naquit en 1923 à Termoli, Adriatique, de père cheminot. Elève de l'institut des Arts appliqués de Maccierata, Jacovitti entame sa carrière de polygraphiste vers 17 ans. A raison de neuf heures d'abattage par jour, dans sa maison de Forte dei Marmi, belle plage de là-bas, dopé au cigare et au whisky, le créateur de Coco Bill, Joe Ballordo, Jaky Mandolino... allait couvrir à partir de là tout l'éventail des publications possibles.

Du Vittorioso, genre de Pif catho italien, où il débuta à 19 ans, jusqu'à Playmen, édité dés l'âge de 16 ans (1939), Jacovitti, authentique préfiguration de l'esprit Mad (Don Martin), aura beaucoup donné. Soit une soixantaine de personnages loufoques, publié prés de cent cinquante albums, donné plus de trois cents histoires complètes, dans ce style hystérique magistral auquel beaucoup, à commencer par Gotlib, devaient largement puiser.

Tout en courbes, hyperclair, vulgaire, sarcastique et stressé, truffé de saucissons ou crayons surgis au hasard des strips, serpentant au milieu d'une action, entre autres arêtes de poisson et tasses de camomille, cactus, doigts, coccinelles, escargots parasites obsessionnels, ce style populaire tragi-comique pouvait se policer pour illustrer tel classique à la Pinocchio (trois fois) ou Kama Soutra. Jacovitti se flattait de ne jamais réutiliser un gag et de pouvoir toujours trouver «pire».

Tenant de la dérision, il s'était marié après-guerre à une dame de la bourgeoisie florentine, dont il eut une fille en 1957. Politiquement, il se définissait «extrême-centriste» et artistiquement «composé de culot français, de violence espagnole, de ruse italienne et de fatigue mexicaine et de vieillesse babylonienne».

En 1982, nous demandions à cet ami de Federico Fellini : Vous avez eu une enfance heureuse ?

«Je l'ai eue, mais hélas! je l'ai perdue.»

B.


http://www.liberation.com/angou98/jacovitti.html

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