Histoire des Techniques

 

HORLOGES SOLAIRES

Dans un pays aussi ensoleillé que l'Egypte le cadran solaire est un appareil tout indiqué pour la mesure de l'heure. Dès l'Ancien et le Moyen Empire, les textes font allusion à la mesure de l'ombre pour évaluer l'avancement du temps. Les premiers té-moignages archéologiques d'horloges solaires ne datent cependant que de la XVIIIe dynastie.

Ces appareils, appelés «setchat», ou encore «merkhet» (littéralement «instrument de connaissance»), avaient l'apparence d'une sorte de règle coudée à angle droit, et posée sur la tranche. Pour connaître l'heure, on mesurait la longueur de l'ombre de leur petite branche sur le plat de la grande. Mais, d'après un texte retrouvé dans le cénotaphe de Séthi I, on renonçait à mesurer les deux premières et dernières heures du jour l'ombre portée étant trop longue.

Au cours du premier millénaire avant notre ère, on remédia à ce problème en remplaçant la partie plate portant les graduations par un plan incliné. On possède plusieurs exemplaires de ces petites horloges. L'une d'entre elles, d'époque très tardive, a conservé une graduation multiple tenant compte des saisons. Sa précision est de l'ordre de quelques minutes.

Un autre type d'horloge solaire, attesté dès la XlXe dynastie, tenait compte de l'orientation de l'ombre. Il se présentait sous la forme d'une plaque semi-circulaire, portant 12 graduations convergeant vers un style enchâssé dans le centre du cercle. Contrairement à la «merkhet», cette horloge nécessitait une orientation fixe. On manque cependant d'éléments pour en reconstituer son utilisation avec certitude, notamment pour la correction saisonnière.

 

HORLOGES STELLAIRES

Très tôt, les habitants de la vallée du Nil avaient observé que les étoiles nocturnes se déplaçaient sur la voûte céleste. Il suffisait de repérer un astre et de le suivre, son mouvement étant celui du temps. Mais ils avaient aussi constaté que la carte du ciel se modifiait pendant le cycle annuel, et qu'il fallait réajuster régulièrement les données au cours du déroulement de l'année. C'est pourquoi les « horloges stellaires» des anciens Egyptiens se présentent comme des tableaux calendériques conjuguant chiffres, noms d'étoiles et données de positions.

On connaît deux types d'horloges stellaires. Les premières, qualifiées de «diagonales», sont conservées sur quelques cercueils du Moyen Empire. Assez rustiques, elles sont composées de 36 colonnes verticales. Représentant les «décans» du calendrier, celles-ci sont divisées en 12 lignes, une par heure. Chacune de ces cases horaires porte le nom de l'étoile ou de la constellation qui atteint l'horizon occidental à l'heure dite. Une même constellation se couchant de plus en plus tôt chaque nuit, son nom se décale d'une heure d'une colonne à l'autre d'où la dénomination d'horloge diagonale.

Il n'est pas facile d'estimer l'exactitude de ces tableaux, en raison des difficultés d'identification des étoiles et de l'estimation des heures crépusculaires. Selon une étude récente, leur marge d'erreur serait de 10%. Mais ces horloges ne tiennent pas compte des variations saisonnières.

Le second type d'horloge stellaire orne les plafonds des tombes des Ramsès VI, VII et IX. Il découle d'une approche plus moderne. Chaque tableau concerne une tranche calendérique de 15 jours. Douze lignes de texte donnent pour chaque heure le nom du corps céleste observé, ainsi que son azimut à l'aide d'un code de 7 positions, trois avant la culmination, trois après. La première ligne indique le début de la mesure.

L'anthropomorphisme de la codification (épaule droite, oreille droite, ¦il droit, milieu, ¦il gauche, oreille gauche, épaule gauche), de même que la représentation d'un personnage vu de face accompagnant chaque tableau, a longtemps jeté le discrédit sur ces horloges. Comment viser des étoiles en prenant pour repère l'anatomie approximative d'un collègue mollement assis sur la terrasse du temple !

De fait, il s'agit tout simplement d'un langage technique. Selon le dernier commentateur, l'égyptologue allemand, Christian Leitz, ces termes doivent être convertis en données chiffrées allant de 7,5° à +7,50 par rapport à la culmination. Les horloges stellaires ramessides nomment 47 corps célestes, soit 329 positions célestes possibles (47 fois 7) contre les 36 des archaïques horloges diagonales.

La précision des horloges stellaires ramessides est de l'ordre de 5 mn. De plus, elles corrigent les variations saisonnières. Avouons cependant que nous ne savons pas très bien comment étaient effectuées les visées, d'autant que les exemplaires parvenus jusqu'à nous sont des versions destinées à l'usage d'un défunt : la position de Sirius (Sothis) dans les horloges ramessides montre qu'elles reproduisent le ciel du calendrier vague quelque trois siècles avant les Ramsès!

 

HORLOGES A EAU

Lorsque brumes et nuages envahissaient le ciel, empêchant la lecture des mouvements célestes, on avait recours aux horloges à eau. La plus ancienne des clepsydres qui nous soit parvenue date du règne d'Amenhotep III (1387-1348 av. JC). Elle se présente comme un bassin conique d'un diamètre de 49 cm, pour une hauteur de 3S cm. A l'intérieur de la cuve, 12 colonnes de graduations donnent les divisions horaires convenables pour chaque mois. Le décor extérieur représente les divinités des mois, les décans et les astres.

Une série d'essais effectués par des ingénieurs allemands a montré que cet appareil donnait une approximation horaire de 5 à 10 minutes. Par une chance unique, nous connaissons le nom d'un des inventeurs des clepsydres Amenemhat, haut dignitaire de la cour du Pharaon Amenhotep Ier (1517-1497 avant JC), se glorifie d'avoir réalisé une horloge calculée selon l'année et où l'eau s'écoule par une ouverture unique.

A l'époque tardive, des horloges à eau, fondées non pas sur le principe d'un vase qui se vide, mais d'un volume qui se remplit à partir d'une alimentation constante, firent leur apparition (clepsydre d'Edfou). Ces instruments plus modernes, et proches des horloges à eau grecques, don-naient sans doute de meilleurs résultats.

Inventorier et répertorier : telle était la tendance naturelle des Egyptiens. Pourquoi donc essayer de définir avec tant d'acharnement les heures nocturnes, Si ce n'est pour quadriller le temps et en quelque sorte le dominer, en l'intégrant dans les répertoires des entités divines. Si l'examen des vestiges archéologiques et les rares sources conservées donnent parfois l'impression d'un doux empirisme, il ne faut pas oublier que nous ne possédons que très peu de textes techniques.

Nul doute que si nous avions accès aux antiques manuels dont se servait le très savant Harkhébis (vers 150 av. JC), «observateur de tout ce qu'on peut observer au ciel et sur terre,... qui prévoit le lever héliaque de Sothis... qui divise les heures selon les deux périodes (du jour et de la nuit) et identifie tout phénomène céleste parce qu'il l'a attendu», nous aurions une idée plus juste des capacités de la science métrologique de l'ancienne Egypte.

Irène