Aborigènes d'Australie

D'après Marc Faucompré : http://www.offratel.nc/faumar/rapport.htm

Terra nullius

Les aborigènes occupent le continent australien depuis 25 à30000 ans quand James Cook prend possession de l'Australie au nom du roi Georges III en 1788. Cette nouvelle terre est déclarée "terra nullius", niant ainsi les droits du peuple aborigène !

Les années 1820 voient les européens installer les premiers campements dans le Territoire du Nord, puis créer les premières villes (Darwin, Alice springs ..) vers 1870.

Le bétail envahit les terres aborigènes, les colons n'hésitant pas à tuer des "abos" pour s'imposer. Pendant ces massacres, la police ferme les yeux ou y participe. La découverte de gisements d'or amène des mineurs venus d'Europe et d'Asie. Cette nouvelle invasion amplifie encore les massacres. A cela s'ajoute la propagation de maladies venues d'Europe, comme la variole. Les graphiques mettent en relief cette chute démographique de la population aborigène.

Graphes réalisés d'après :
"The aboriginal Population of Australia", ANUP

 

Le rapt des enfants métissés

Au début du 20e siècle plusieurs ordonnances d'état permettent à l'administration australienne d'enlever les enfants métis ("half-caste") à leurs familles et de les placer dans des institutions. Ces institutions, souvent dirigées par des religieux, inculquent aux enfants une éducation de type "européen" ou l'humiliation et les sévices corporels peuvent être érigés en principes éducatifs. En 1997, le rapport d'enquête "Bringing them home", contenant plus de 700 témoignages accablants de personnes déracinées et abusées, révélera aux australiens ces pratiques qui se sont perpétrées juqu'aux années 70 et qu'elles ont touché entre 10 et 30% des enfants aborigènes.

La mise en place de réserves pour les adultes assure une certaine protection des aborigènes contre les abus des prospecteurs, les aborigènes sont une main d'oeuvre bon marché. Payés en thé, farine et sucre, cette alimentation entraîne l'apparition de maladies nouvelles pour les aborigènes comme le diabète ou l'obésité. Voler du bétail pour se nourrir devient une nécessité. En réponse à ces vols, la police et les colons organisent des massacres. Celui de Conniston (1928), à l'est de Yuendumu, dure plus d'une année rayant une tribu entière de la carte de la région. En 1933, le nombre d'aborigènes est au plus bas et ceux de Tasmanie sont définitivement exterminés. Les défenseurs de la cause aborigène emploient le terme génocide pour parler de cette période dramatique.

 

Politique d'assimilation et acculturation

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le gouvernement du Commenwealth met en place une politique d'assimilation. L'un des outils de cette politique est le camp de regroupement qui devait permettre l'intégration des aborigènes dans la société blanche. Cependant, le fait de regrouper plusieurs tribus au même endroit risquait d'entrainer des conflits car certains groupes tribaux étaient forcés à vivre sur des terres qui ne leurs appartenaient pas. Pour maintenir la paix à l'intérieur des camps, il fallait que la police et l'administration soient particulièrement vigilantes et zélées. L'expérience de G. Bardon, instigateur de la peinture à l'acrylique chez les aborigènes du désert, donne une idée de l'ambiance qui régnait dans ces camps au début des années 70. Bardon, professeur de dessin dans le camp de Papunya, avait donné aux aborigènes le moyen d'exprimer leur culture par la peinture et de gagner de l'argent avec le fruit de leur travail. Évidemment l'administration blanche du camp de Yuendumu interpréta cette expérience comme un détournement de l'action qui devait tendre à effacer la culture aborigène au profit de la culture dominante blanche. Pris entre les contradictions des uns et des autres, Bardon fut rejeté du camp et termina son expérience dans une maison de repos à Sydney. Officiellement, cette politique fut remise en cause parce qu'elle ne permettait pas d'assurer l'autonomie économique des aborigènes. Il est vrai que la culture aborigène est totalement étrangère aux valeurs de l'économie capitaliste !

Au début des années 60 et parallèlement à ce qui ce passait dans les camps, les aborigènes qui travaillaient dans les fermes se mettaient en grève pour réclamer de meilleurs conditions de vie. Notamment, ils demandaient l'égalité des salaires entre noirs et blancs. A l'époque la plupart des aborigènes employés par les blancs ne recevaient pas d'argent mais un peu de nourriture et des vêtements. La réaction des propriétaires blancs à ces revendications fut une diminution des emplois dans les fermes. Au bout du compte, les aborigènes désoeuvrés plongèrent massivement dans l'alcoolisme. Après ces mouvements de contestation, un référendum tenu en 1967, donna au gouvernement du Commonwealth le pouvoir de légiférer pour les aborigènes dans tous les états d'Australie. En outre, il permettait aussi de comptabiliser les aborigènes dans le recensement national : avant, les aborigènes d'Australie n'étaient pas Australiens puisqu'ils n'existaient pas !

 

Un début de reconnaissance ?

A partir de 1972, le gouvernement de G. Whiltam, mit en place une politique plus humaine d' autodétermination. Cette politique avait l'ambition de donner aux aborigènes le droit de choisir la terre où ils voulaient vivre. La première conséquence de cette politique généreuse fut l'instauration d'une loi sur le droit à la terre aborigène dans le Territoire du Nord ("Aboriginal Land Right Act" 1976). Ce texte permet aux aborigènes de réclamer en justice des terres ancestrales afin d'obtenir des titres de propriété libre et perpétuelle ("freehold title"). Ces titres leurs donnent alors la possibilité de négocier avec les compagnies minières l'exploitation de leur sous-sol contre des "royalties". Les bénéfices tirés de ces accords représentent maintenant l'une des principales ressources financières des communautés aborigènes du Territoire du Nord.

 

Eddy Mabo contre le Queensland

Enfin dans les années 90, une décision de justice laissait espérer que les lois du Territoire du Nord puisse s'étendre à toute l'Australie :

c'est la fameuse affaire "Eddy Mabo contre le Queensland". Ce jugement, rendu en 1992 par la Haute Cours d'Australie, reconnaissait le droit à la terre des aborigènes des îles Murray (situées entre la Papouasie Nouvelle-Guinée et l'Australie) et surtout mettait  fin à l'illusion de la "terra nullius". Pour contrecarrer cette décision de justice, le gouvernement du Commonwelth  mit en place, en 1994,  une loi sur les titres de propriété aborigène : le "Native Title Act" .

Cette loi instaure dans toute l'Australie un tribunal chargé de juger les litiges fonciers entre les aborigènes et les propriétaires blancs.

Cependant, cette loi est beaucoup moins forte que celle mise en place dans le Territoire du Nord car elle est limitée au droit de passage sur une partie de terre ou de mer. De plus, un jugement rendu par ce tribunal national peut être remis en cause par les états. Dans la pratique, cette loi a souvent mis fin aux titres de propriétés aborigènes puisque les droits fonciers des aborigènes étaient volontairement limités.

Dernière bataille dans cette guerre politico-juridique, une nouvelle décision de la Haute Cours, datée de décembre 1996, redonne espoir qu'un jour les titres de propriétés aborigènes soient reconnus. Cette décision, dans l'affaire qui opposait les gens de Wik contre le Queensland, impose aux deux parties de vivre ensemble sur la terre en litige. Cette décision mettait encore une fois le gouvernement australien dans l'embarras. Le Premier Ministre J. Howard proposa un plan en 10 points qui amendait le Native Title Act dans le but d'assurer plus de garanties au puissant lobby des fermiers. Ce plan fut adopté en 1998 après quelques modifications mineures.  A la veille des Jeux Olympiques de Sydney, le Conseil National de Réconciliation Aborigène déposera auprès du gouvernement du Commonwelth une déclaration pour la réconciliation qui demande, entre autre, l'abandon du plan en 10 points sur les titres natifs et des compensations pour les familles des enfants volés. L'affaire est donc à suivre...

 

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