Les berceaux de l'histoire

 

13/05/2001 21:55 malevez.marc:» » QUE RECOUVRE LE MOT COPTE ? (I)

LA COMMUNAUTÉ COPTE

Etymologiquement, le Copte est tout simplement un Egyptien. Aux temps pharaoniques, les habitants de l'Egypte s'appellent eux-même les "hommes de la terre noire", la "terre noire" désignant l'Egypte, terre fertile en bordure du Nil, par opposition à la "terre rouge", le désert craint et évité. Très tôt s'est développée une forte communauté grecque dans le delta du Nil. Dès le VIIIe siècle ACN, ces Grecs désignent les autochtones par le terme Aiguptioï, à partir du nom du grand temple de Memphis, dédié au dieu Ptah, Het-Ka-Ptah, le "Château de l'âme de Ptah", utilisé pour désigner la ville même de Memphis et assimilé, au moins dès le VIe siècle ACN, au pays lui-même, tout comme aujourd'hui encore l'Egyptien appelle "misr" aussi bien l'Egypte que Le Caire. Lors de la conquête arabe en 641 PCN, les nouveaux maîtres du pays héritent de ce vocable (dont la prononciation s'est par ailleurs modifiée au cours des siècles) pour désigner les Egyptiens de souche. L'écriture arabe, consonantique, ne retient que les lettres QBT ou QFT (le "g" et le "p" n'existant pas en arabe classique). Sous l'influence de la lecture, la voyelle initiale disparaît et, le "u" devenant un "o", il en résulte le terme "Cophte" que l'Occident va transformer en "Copte". Les "Coptes", adoptant la langue des conquérants, vont ensuite s'identifier eux-mêmes par ce nom. Il s'agit donc d'un mot totalement étranger à la langue copte et, dès lors, les manuscrits en cette langue n'en font jamais usage, utilisant "rmnkèmé", "homme d'Egypte", terme purement égyptien. Cependant, la notion de "Copte", "de soi ethnique, a pris avec le temps une valeur religieuse, responsable dès lors de (son) expansion au delà d'un peuple et d'une race" (P. DU BOURGUET, Les Coptes, Coll. Que Sais-je ?, n° 2398, p. 6). A l'époque de la conquête, un Arabe est quasi nécessairement un Musulman. Inversement, l'Egyptien est alors presque obligatoirement un Chrétien. D'où l'identification rapide entre les expressions "Copte" et "Chrétien d'Egypte", assimilation que les intéressés adoptent eux-même, marquant leur différence et signifiant par là que le vrai Egyptien ne peut être que Chrétien, le converti à l'Islam préférant quant à lui être considéré comme un Arabe, avec l'ensemble des droits et avantages (notamment fiscaux) que cela comporte. La connotation ethnique a essentiellement disparu pour ne laisser place qu'à une distinction religieuse, réservant le mot "copte" à tout ce qui concerne le Chrétien d'Egypte. Pour les Arabes égyptiens, ce mot va ainsi désigner, par opposition à eux, tout ce qui est égyptien autochtone : population, religion, langue, coutume.

Bibliographie sommaire :

  • T. ORLANDI, "Copte",
    in Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme Ancien (D.E.C.A.), vol. 1, p. 565
  • C. CANNUYER, Les Coptes, Brepols, Maredsous, 1996
  • R. KASSER, Filles de la langue égyptienne : les langues coptes,
    in Le Monde Copte, Dossier : langue et littérature cope, n° 24, (1994), p. 6-7.

 

27/05/2001 18:01 malevez.marc:» » QUE RECOUVRE LE MOT COPTE ? (II)

LE RITE COPTE

"Tout ce qui concerne le Chrétien d'Egypte" renvoie inexorablement au rite car, par ce mot, il faut entendre réellement toutes les institutions et tous les aspects de la vie chrétienne.

L'essentiel n'en est pas moins constitué par la liturgie et l'organisation de l'Eglise. On peut dès lors considérer aujourd'hui un rite copte distinct qui remonte au Ve siècle, marquant l'Eglise copte non-chalcédonienne, erronément dite "monophysite".

A côté de la liturgie en langue copte, se trouve également une liturgie en grec, plus ancienne et qui va se maintenir chez les Egyptiens dits melkites.

Plusieurs Eglises appelées coptes se distinguent en fait : l'Eglise copte orthodoxe, non-chalcédonienne, majoritaire, et l'Eglise copte melkite, pro-Chalcédoine, pratiquement disparue avec la conquête arabe. Mais il y a aussi l'Eglise copte catholique (dont le premier patriarche fut Cyrille Macaire, de 1899 à 1908) et l'Eglise copte évangélique, d'inspiration presbytérienne, depuis 1854. L'Eglise copte orthodoxe s'est par ailleurs répandue dans le monde : un évêché à Jérusalem, un pour l'ex-Zaïre et le sud de l'Afrique, deux en France, et diverses églises en Europe, au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, au Koweït et à Beyrouth.

Les Ethiopiens, convertis au christianisme au IVe siècle, placés sous l'obédience du patriarche d'Alexandrie et dirigés par l'"Abouna", un évêque égyptien, et ce jusqu'en 1959, sont considérés par certains comme étant de rite copte et, de là, comme étant coptes. Cettes extension est toutefois abusive : les Ethiopiens, de race et de langue différentes, proposent une liturgie fortement distincte. Ce ne sont donc pas des Coptes. Tout au plus peut-on regrouper le rite copte et le rite éthiopien en un groupe alexandrin, se différenciant au sein des liturgies orientales du groupe antiochien qui réunit les rites nestorien, chaldéen, syro-malabar, antiochine, maronite, arménien et byzantin.

 

Bibliographie sommaire :

  • I.H. DALMAIS, "Les liturgies d'Orient", Cerf, Paris, 1980
  • J.M. BILLIOUD, "Histoire des Chrétiens d'Orient", L'Harmattan, Paris, 1995
  • SHENOUDA III et al., "Migration, Coptic", in A.S. ATIYA (dir.), "The Coptic Encyclopedia", vol. 5,
    Maxwell Macmillan International, New York et al., 1991, p.1620-1624
  • A.M. TRIACCA, "Liturgie. III. Liturgie et tradition",
    in A. DI BERARDINO et F. VIAL (dir.), "Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien",
    vol. 2, Cerf, Paris, 1990, p.1458

 

29/05/2001 21:11 malevez.marc:» » QUE RECOUVRE LE MOT COPTE ? (III)

LA LANGUE ET LA LITTERATURE COPTES

De même que le Copte n'est en réalité qu'un Egyptien, sa langue n'est rien d'autre que la langue ancestrale de l'Egypte, en son stade ultime, lorsqu'elle se trouve transcrite au moyen de l'écriture grecque enrichie de quelques signes d'origine démotique. Quant à la littérature, il s'agit de celle écrite en copte. Elle se distingue donc de la littérature écrite en grec ou, plus tard, en arabe, littératures que l'on peut qualifier, pour la première, de "littérature chrétienne d'Egypte en langue grecque", et, pour la seconde, de "littérature copto-arabe". Le terme "littérature" est donc ici strictement lié à la langue utilisée et non à l'origine géographique ou ethnique du littérateur. Les traductions de la "Bible" ou des "Kephalaïa" de Mani en langue copte entrent dans la littérature copte de traduction, tandis qu'une vie d'un saint copte traduite en arabe quitte le domaine littéraire copte pour se rattacher à celui de la littérature copto-arabe. De même, l'oeuvre de Cyrille d'Alexandrie échappe au domaine littéraire copte pour se rattacher à la littérature grecque d'Egypte. Le caractère artificiel d'une telle subdivision conduit cependant certains, auteurs, tel Cannuyer, à ne pas se satisfaire de définitions aussi restrictives et à considérer que "la 'littérature copte' comprend toutes les oeuvres originales de la culture égyptienne chrétienne, que celle-ci se soit exprimée en grec, en copte ou en arabe", considérant par ailleurs qu'une histoire de la littérature copte se doit également d'aborder "les si nombreuses traductions coptes et arabes des grandes oeuvres patristiques, dont l'influence a été si déterminante sur la spiritualité des Chrétiens d'Egypte" (C. CANNUYER, "Les Coptes", 2e éd., Brepols, Maredsous, 1996, p. 67).

 

Bibliographie sommaire : outre CANNUYER,

  • P. DU BOURGUET, "Les Coptes" ("Que sais-je ?" n° 2398), P.U.F., Paris, p.66-74
  • T. ORLANDI, "Copte. I. Langue et littérature",
    in "Dictionnaire encypclopédique du christianisme ancien", vol.1, p.565-568

 

03/06 21:32 malevez.marc:» » QUE RECOUVRE LE MOT COPTE ? (IV)

LA PERIODE COPTE

Il s'agit là d'une appellation courante mais tout aussi difficile à cerner que, par exemple, la période humaniste en Occident car l'une comme l'autre désignent une période culturelle et non une subdivision de l'histoire politique et, dès lors, elles ne peuvent être définies par des "termini" chronologiquement précis.

Une fois l'Egypte conquise par les Grecs d'Alexandre, le grec s'impose rapidement comme langue culturelle. L'Egypte maintient malgré tout sa propre langue tout en la notant progressivement dans une écriture essentiellement grecque et en umpruntant une part du vocabulaire grec : l'écriture et la langue coptes sont nées. La période copte commence ainsi au IIe siècle ACN, si on considère les premières tentatives de transcription au moyen de l'écriture grecque, aux IIIe-IVe siècles PCN, si on ne tient compte que du stade achevé de cette adaptation.

Le plus généralement, on choisit toutefois de faire débuter la période copte avec l'apparition du christianisme en Egypte, au Ie siècle de notre ère. Cependant, s'il est vrai que le christianisme est de loin l'élément fondamental de la culture copte, il paraît abusif de rayer d'un coup de plume les Coptes païens des siècles précédents, et ce d'autant plus que la religion chrétienne ne va s'implanter en Egypte que fort progressivement, sur plusieurs siècles.

Quant au "terminus ad quem", nous suivons la littérature scientifique qui le situe à la fin de la dynastie ayyoubide, en 1250. A cette date, la culture, la langue et l'écriture arabes imprègnent l'ensemble de la population égyptienne et le copte n'est plus qu'un reliquat n'apportant plus rien de neuf aux Chrétiens d'Egypte. Dès lors, "là s'achève l'histoire de l'Egypte copte (...). La longue période qui suit est celle des 'Coptes en Egypte' " (P. DU BOURGUET, "Op. cit.", p. 22).